Nous, les organisations égyptiennes, régionales et internationales de défense des droits humains soussignées, exhortons la Commission européenne et les États membres à respecter le droit international et le droit de l’UE afin que l’assistance macrofinancière accordée à l’Égypte en vertu de la réglementation de l’UE garantisse des progrès et des réformes concrets, mesurables, structurels et assortis de délais en matière de droits humains dans le pays.
Depuis que l’ancien président Mohamed Morsi a été chassé du pouvoir par l’armée en 2013, l’Égypte est gouvernée d’une main de fer. Les autorités ont violemment et systématiquement réduit au silence la dissidence pacifique, presque éliminé les médias indépendants et la société civile, réprimé l’opposition politique, adopté et promulgué une législation répressive, emprisonné des dizaines de milliers de détracteur·trice·s du pouvoir réels ou présumés et gravement compromis l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la profession juridique.
Compte tenu de la faiblesse du contrôle civique, judiciaire et parlementaire, les autorités n’ont pratiquement pas eu à rendre de comptes pour leurs politiques et actions répressives. Cela a contribué au fait que le gouvernement n’a pas respecté, protégé et mis en œuvre les droits sociaux et économiques des personnes, ce qui a eu de graves conséquences pour les personnes les plus touchées par les crises économiques récurrentes dans le pays. Depuis février 2024, les institutions et pays donateurs, notamment les Émirats arabes unis, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, le Royaume-Uni et l’Union européenne, ont versé ou promis environ 57 milliards de dollars des États-Unis de subventions et de prêts. Dans le cadre de ce processus, les donateurs devraient veiller à ce que les autorités égyptiennes prévoient et mettent en œuvre efficacement des réformes qui améliorent le respect des droits humains, ainsi que la transparence et la reddition de comptes.
Les donateurs doivent également veiller à ce que les mesures économiques et fiscales mises en œuvre dans le cadre de ces programmes ne contribuent pas à éroder davantage encore les droits économiques et sociaux de la population, en particulier au vu de l’augmentation persistante de la pauvreté depuis l’adoption du premier programme du FMI en 2016, ainsi que des dépenses insuffisantes du gouvernement égyptien en ce qui concerne la protection sociale, la santé et l’éducation. Toute réforme macroéconomique consentie doit refléter et respecter les obligations juridiques de toutes les parties quant aux droits économiques et sociaux, notamment dans les domaines des droits du travail et à la justice environnementale et de la responsabilité des entreprises.
Nous pensons que les réformes structurelles visant à renforcer l’état de droit, à garantir des procès équitables, à ouvrir l’espace civique, à faire respecter les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association et la liberté de la presse, et à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, sont cruciales. Elles seraient conformes à la Constitution égyptienne et aux obligations internationales du pays en matière de droits humains, et permettraient en outre de remédier à certaines des causes profondes de l’instabilité financière et économique de l’Égypte. Cette instabilité a eu de graves incidences sur les droits économiques et sociaux de millions de personnes en Égypte, qui devront en définitive supporter le fardeau du remboursement des dettes de l’Égypte, en particulier celles qui se trouvent dans des situations vulnérables et marginalisées.
Nous notons que la réglementation de l’UE exige que les bénéficiaires de l’assistance macrofinancière « adhèrent au respect des droits humains et à des mécanismes démocratiques effectifs, y compris un système parlementaire multipartite et l’état de droit », et que le Conseil de l’UE a stipulé que « l’octroi de l’assistance macrofinancière de l’Union devrait être subordonné à la condition préalable que l’Égypte continue de progresser de manière concrète et crédible vers le respect des mécanismes démocratiques effectifs, dont le pluralisme parlementaire et l’état de droit, et qu’elle garantisse le respect des droits de l’homme ». Cependant, la proposition de la Commission ne précise pas ce qu’elle entend par « progresser de manière concrète et crédible ».
Alors que la Commission et les autorités égyptiennes négocient un protocole d’accord pour réglementer le versement des fonds de l’UE à l’Égypte jusqu’en 2027, nous exhortons la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen à veiller à ce que :
- les protocoles d’accord établissent une feuille de route pour des réformes structurelles, avec des indicateurs, des cibles et des repères publics, clairs, précis et assortis de délais pour permettre à l’Égypte de respecter ses obligations en matière de droits humains ;
- les autorités égyptiennes libèrent immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ;
- les autorités égyptiennes ouvrent l’espace civique et politique, en respectant les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, y compris avant, pendant et après les élections législatives de 2025.
Si ces mesures sont respectées, l’assistance macrofinancière de l’UE contribuera à des progrès concrets et durables en matière de droits humains et d’état de droit en Égypte, ce qui est indispensable pour garantir la transparence et le respect de l’obligation de rendre des comptes, pour mettre fin à l’impunité et pour aider à prévenir la répétition des crises économiques dans le pays. Le fait de ne pas fixer de critères en matière de droits humains reviendrait alors à remettre un chèque en blanc pour la poursuite des violations et de la répression en Égypte.
SIGNATAIRES
- AFTE
- Amnesty International
- Cairo Institute for Human Rights Studies
- Committee for Justice
- Egyptian Commission for Rights and Freedoms (ECRF)
- Egyptian Front for Human Rights (EFHR)
- Egyptian Human Rights Forum (EHRF)
- Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR)
- EgyptWide for Human Rights
- EuroMed Rights
- International Federation for Human Rights (FIDH)
- Human Rights Watch
- Middle East Democracy Center (MEDC)
- Minority Rights Group
- Refugees Platform In Egypt (RPE)
- Tahrir Institute for Middle East Policy (TIMEP)
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