La Mission d’information sur le contrôle des exportations d’armement a remis le 18 novembre son rapport. Celui-ci acte la nécessité d’une transparence considérablement renforcée de la part du gouvernement sur les ventes d’armes françaises et préconise de doter enfin le Parlement « d’un véritable pouvoir de contrôle » sur celles-ci. 13 ONG appellent le pouvoir exécutif à répondre rapidement et positivement à cette exigence de contrôle et de transparence. Ce contrôle est d’autant plus urgent et essentiel que la responsabilité des ventes françaises est pointée du doigt dans certaines violations graves du droit humanitaire, notamment au Yémen, où ces violations ont des conséquences dramatiques sur les populations civiles.
Pour la première fois depuis vingt ans, des parlementaires ont passé en revue le système de contrôle des ventes d’armes françaises. Il s’agit d’un travail nécessaire, qui avance des recommandations utiles et pertinentes en la matière, rejoignant l’analyse des ONG sur de nombreux points.
Le rapport présenté le 18 novembre par les député.e.s Michèle Tabarot et Jacques Maire fait le constat d’un niveau d’information et de contrôle insuffisant par le Parlement sur les ventes d’armes, étendant leur réflexion aux biens à double usage qui présentent des « risques absolument majeurs au regard du respect des droits humains ».
Les 35 recommandations de ce rapport peuvent représenter une avancée certaine pour assurer la conformité de la France avec ses obligations internationales, telles que le Traité sur le commerce des armes, et le respect des droits humains. Elles resteront toutefois lettre morte si le pouvoir exécutif ne prend pas rapidement les mesures permettant de mettre fin à l’opacité qui entoure les ventes d’armes.
Il faut rappeler que la France a co-parrainé la résolution HRC/45/15 du 7 octobre 2020 du Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unies sur le Yémen, appelant les États à “s’abstenir de transférer des armes à toute partie au conflit lorsqu’ils jugent qu’il existe un risque majeur que ces armes puissent être utilisées pour commettre ou faciliter une violation grave du droit des droits de l’homme ou du droit international humanitaire .”
Pour cette raison, les 13 ONG signataires demandent à l’exécutif français, notamment:
- De redéfinir et restreindre le périmètre du secret-défense à ce qui est strictement nécessaire afin qu’un accès accru à l’information permette un contrôle plus étendu de la part des parlementaires ;
- D’assurer une communication exhaustive tant sur le matériel strictement militaire que sur les biens à double usage et les équipements destinés à du maintien de l’ordre dans leur intégralité ;
- De fournir, tant pour les licences attribuées que pour les prises de commandes et les livraisons, des informations précises sur les types d’armes, les quantités vendues, les destinataires finaux, les utilisateur finaux et les utilisations finales déclarées, les garanties d’utilisation finale, pour l’ensemble des catégories de matériels de guerre et assimilés soumises à contrôle ;
- D’émettre des rapports réguliers et fréquents sur les ventes d’armes, au lieu d’un seul rapport annuel présenté au Parlement, permettant ainsi un meilleur suivi des parlementaires et un véritable contrôle ;
- De préciser les critères de refus, les types d’armes, les quantités, les destinataires finaux, les utilisateurs finaux et utilisations finales déclarées pour les licences refusées ;
- De mettre à disposition ces différentes informations sur une plateforme numérique en ligne, permettant une sélection et une analyse facilitées des informations.
Le rapport de la mission d’information préconise également la création d’une délégation parlementaire permanente en charge du contrôle des exportations d’armement. Les 13 ONG signataires, qui soutiennent cette proposition, insistent sur la nécessité d’une pluralité politique au sein de cette délégation afin de créer les conditions d’un réel débat. La délégation parlementaire permanente doit également rendre public, de manière régulière, des rapports sur ses activités de contrôle des ventes d’armes afin de mesurer l’impact de son contrôle. Elles appellent par ailleurs le Parlement et les présidents des différentes chambres à se saisir dès maintenant des recommandations de ce rapport pour œuvrer à la mise en place rapide d’un système de contrôle renforcé.
Les ONG signataires rappellent tant au gouvernement qu’au Parlement l’urgence de prendre des mesures. Au Yémen – qui vit aujourd’hui la pire crise humanitaire au monde, où 24 millions de personnes soit 80% de la population ont besoin de l’aide humanitaire – il existe un risque majeur que les armes qui continuent à être livrées et vendues par la France soient utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves des droits humains et des exactions à l’encontre des populations civiles.
Liste des ONG signataires:
- ACAT France
- Action contre la Faim
- Amnesty International France
- Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
- CARE France
- Fédération internationale des droits humains (FIDH)
- Handicap International – Humanity and Inclusion
- L’Observatoire des armements
- Ligue des droits de l’Homme (LDH)
- Médecins du Monde
- Oxfam France
- Salam For Yemen
- SumOfUs
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