Propositions pour les questions à discuter lors de la réunion entre le Comité contre la torture (CAT) et les ONG Mai 2011
Ce document émane des organisations suivantes: Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS), Fédération Internationale de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (FIACAT), REDRESS, et Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
Introduction
Les organisations soussignées saluent l’occasion qui leur est offerte de rencontrer les experts pour un un échange de vues avec eux sur la manière dont le CAT travaille, identifier les aspects positifs et négatifs de certaines de ses procédures et formuler des propositions concrètes visant à les améliorer.
En guise de remarque préliminaire, nous nous félicitons des travaux du CAT sur le processus de rédaction des rapports et nous insistons sur la nécessité d’attacher davantage d’importance à d’autres aspects du mandat du Comité, notamment la procédure des communications individuelles et l’adoption des observations générales.
En ce qui concerne les observations générales, nous tenons à rappeler leur grande valeur en tant qu’orientation pour les Etats lors de la mise en œuvre de leurs obligations internationales. C’est pourquoi nous encourageons le CAT à adopter d’autres observations générales en tenant compte l’évolution des normes des droits de l’homme et des observations générales des autres comités. Le processus de prise de décisions concernant notamment le choix du sujet ainsi que la rédaction, devrait être transparent et faire l’objet de consultations avec tous les acteurs intéressés.
Nous nous félicitons vivement de l’élaboration d’une nouvelle observation générale, notamment sur l’article 14. Le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible, est essentiel, non seulement pour la réadaptation de la victime de la torture, mais aussi pour lutter contre l’impunité et faire en sorte que les violations ne se reproduisent pas. En adoptant des constatations sur les communications individuelles et des observations générales, le CAT a élaboré une interprétation intéressante et progressive de cet article qui doit maintenant être clarifiée, systématisée et développée.
Nous rappelons également que le Haut-commissariat aux droits de l’Homme, en sa qualité de secrétariat des Organes de surveillance des traités, joue un rôle indispensable pour le fonctionnement sans heurts de toutes les étapes d’établissement des rapports et autres activités. Il est donc essentiel de mettre à la disposition de ce secrétariat les ressources nécessaires lui permettant de soutenir efficacement chacune de ces étapes, y compris celle du suivi.
Nous avons dégagé dans le présent document quelques domaines de préoccupations que les organisations soussignées souhaitent discuter au cours de la réunion du 12 mai avec le CAT. Cette liste n’est toutefois pas exhaustive.
1) Accès au Comité
Les ONG sont parmi les acteurs principaux dans le domaine des droits de l’homme et de la mise en œuvre des observations générales et des constatations adoptées par le Comité. Leur engagement est l’un des facteurs les plus importants dans le système des Organes de surveillance des traités. Nous souhaitons donc faire quelques propositions permettant d’améliorer encore l’accès des ONG au CAT.
Améliorer la régularité et la transparence de l’information en matière de calendrier afin de donner suffisamment de temps aux ONG pour préparer et présenter leurs interventions au CAT
La présentation dans les meilleurs délais d’informations complètes et ciblées est essentielle pour que le CAT puisse préparer la Liste des questions et l’examen des Etats parties. Pour cela, il faut s’efforcer de communiquer les calendriers et les méthodes de travail aux acteurs de la société civile les plus nombreux possible. C’est particulièrement important eu égard à la nouvelle procédure relative à la Liste des questions qui a suscité quelques complications en matière de transparence.
C’est pourquoi, nous recommandons, en vue d’améliorer la participation de la société civile et son impact, que le Comité s’adresse à l’avance aux ONG pour leur demander des informations pour la Liste des questions, l’examen des rapports des Etats et la procédure de suivi. La liste d’adresses dont dispose le secrétariat en vue d’encourager cette participation pourrait être révisée afin d’inclure un plus grand nombre d’organisations de la société civile. Le calendrier des futures sessions pourrait être établi et annoncé au moins deux ans l’avance. Les sites web du CAT pourraient être plus faciles à consulter pour permettre aux ONG moins familières avec les procédures du comité une plus grande participation.
Un forum de discussion transparent pour permettre la participation des ONG
En vue d’accroître la participation des ONG nationales et locales aux sessions du CAT, nos organisations recommandent au Comité de recourir davantage aux technologies de la communication, ce qui favoriserait l’interaction entre les ONG locales et nationales et les experts.
Pour les personnes qui ne sont pas physiquement présentes à l’examen des rapports, toutes les sessions du CAT devraient être diffusées en direct sur Internet, afin d’en favoriser l’accès le plus large possible, ainsi que la compréhension et l’assimilation. En outre, les émissions en direct sur le web peuvent aussi permettre aux représentants de gouvernements qui soutiennent l’examen des rapports de suivre en temps réel, dans leurs capitales, les questions et les observations du CAT, ce qui faciliterait la préparation de réponses rapides. Nous rappelons néanmoins que cela ne devrait pas empêcher l’Etat d’envoyer à la session du Comité une délégation de haut niveau, aux compétences diverses.
Pour que les ONG qui ne peuvent pas assister physiquement à l’examen du rapport aient la possibilité de fournir des informations orales au CAT, il faudrait offrir la possibilité de vidéoconférences pour les ONG du pays dont le rapport doit être examiné et les experts du Comité. Les bureaux locaux des Nations Unies peuvent jouer un rôle important à cet effet.
En outre, des vidéoconférences avec les ONG locales et les représentants gouvernementaux pourraient faire partie de toute extension future de la procédure de suivi et fonctionner comme outil complémentaire de la bonne application des observations finales et des constatations du Comité.
2) La procédure relative à la Liste de questions préalables à la remise du rapport périodique (LoIPR)
La procédure relative à la Liste de questions préalables (LoIPR) mise en œuvre par le CAT est une innovation bienvenue, qu’entre temps d’autres organes de surveillance des traités ont adoptée (actuellement, le Comité des droits de l’homme et le Comité sur les droits des travailleurs migrants). Cette procédure offre un potentiel considérable de promotion d’un examen mieux ciblé et faisant l’objet d’un véritable cycle d’examen, en contraste avec l’ancienne procédure sous laquelle les Etats traitaient ces examens des organes de surveillance des traités comme des évènements isolés plutôt que comme une interaction permanente.
Cependant, cette procédure présente aussi une série de problèmes inhérents à des méthodes de travail nouvelles et innovatrices. Certains de ces problèmes sont exposés brièvement dans les paragraphes qui suivent. Nous pensons aussi qu’il serait utile d’évaluer plus en profondeur la procédure relative à la LoIPR avant de futures élaborations.
L’accès rapide à l’information relative à l’adoption des LoIPR, lors de futures sessions, est essentiel pour que les ONG puissent fournir des informations susceptibles de contribuer au processus. Avec la demande publique d’informations relatives à la liste de questions, cela peut améliorer considérablement les connaissances dont dispose le Comité au moment d’adopter la Liste. Les ONG ont besoin d’un certain temps pour préparer leurs contributions et celles qui dépendent de financements de leurs projets ont aussi besoin de temps pour trouver des donateurs. Avec cette façon systémique d’aborder l’adoption de la Liste des questions, il devrait être possible de publier ce genre d’informations 1 – 2 ans à l’avance.
Une programmation rigoureuse du cycle des rapports est un autre élément important pour le succès de la nouvelle procédure. Celle-ci offre au Comité une possibilité unique d’entretenir avec les Etats dont les rapports sont examinés des relations allégées, mais plus régulières. Toutefois, nous sommes convaincus qu’il faut envisager une stratégie plus rigoureuse en ce qui concerne les délais de soumission des rapports des Etats et les séances de présentation et d’examen du rapport à Genève. Actuellement, il y a un laps de temps qui varie entre 16 et 20 mois entre l’adoption de la LoIPR et le délai fixé pour l’envoi du rapport ; ce délai étant habituellement échu entre les sessions, il peut arriver que la séance à Genève n’ait lieu que 10 mois après le délai de soumission du rapport, ce qui signifie qu’il s’écoule entre 26 et 30 mois entre l’adoption de la Liste des questions et la séance de Genève, pour les Etats qui envoient leur rapport dans les délais. Nous recommandons au Comité de chercher à limiter cette période d’attente en fixant des délais de soumission des rapports plus brefs et de le faire de manière plus stratégique. Outre cela, le Comité devrait également réfléchir à la durée de validité d’une liste de questions dans les cas où les Etats n’envoient pas leur rapport à temps.
La non présentation des rapports est un sujet de préoccupation qui affecte tous les organes de surveillance des traités. Il est encore plus préoccupant lorsqu’on opère avec des listes de questions pour l’élaboration desquelles le Comité et le Secrétariat investissent des ressources avant même que l’Etat concerné n’ait signalé qu’il est prêt à faire son rapport. C’est pourquoi nous recommandons au Comité d’envisager une manière plus « proactive » d’aborder la question avec les Etats qui ne présentent pas de rapports. A cet égard, le Comité devrait envisager d’adopter la procédure actuellement en vigueur au Comité des droits de l’homme, et à examiner lors de chaque session un Etat qui n’a pas présenté de rapport.
3) Suivi des Observations finales et des constatations relatives aux communications individuelles
Nous allons centrer nos remarques sur le suivi officiel et le processus de surveillance menés par le CAT en vue de la mise en œuvre complète et efficace de ses recommandations. Nous souhaitons néanmoins rappeler que cette mise en œuvre des observations finales et des constatations, au niveau national, incombe au premier chef aux Etats parties, conformément à leurs obligations internationales.
Le défaut de mise en œuvre des observations finales et des décisions est un problème très grave qui exige une amélioration du suivi à divers niveaux.
Ressources consacrées au suivi
Eu égard à la somme considérable de travail qu’exige le suivi, il est essentiel qu’il ne repose pas à un seul Rapporteur chargé de ce suivi des recommandations ou des décisions concernant les cas individuels. Nous estimons que les Rapporteurs par pays devraient s’occuper du suivi dans les pays dont ils sont chargés, en coopération étroite avec le Rapporteur du suivi. En outre, il faudrait prévoir plus de temps pour les discussions sur les questions relatives au suivi pendant la session du CAT. Il est nécessaire aussi de prévoir davantage de ressources humaines au sein du secrétariat du HCDH pour soutenir le travail de suivi des organes de surveillance des traités.
Des recommandations et propositions de solutions concises et ciblées
Il conviendrait aussi d’envisager une amélioration de la qualité des recommandations figurant dans les observations finales relatives aux rapports des Etats, et de les formuler de façon plus brève et mieux ciblée. A cet égard, nous observons l’impact important de recommandations détaillées et pratiques comprenant des propositions de mesures pour la mise en œuvre – pour autant qu’existe une volonté politique. De même, la procédure de suivi (qui doit se dérouler dans l’année qui suit l’examen) appliquée par le CAT devrait s’orienter systématiquement selon des critères comme l’urgence et la faisabilité. De la même manière, les propositions visant à remédier aux objets des plaintes individuelles devraient être détaillées et spécifiques, et en permettre, dans le pays concerné, la mise en œuvre et un suivi objectivement mesurable.
Participation des ONG au processus de suivi
Les ONG devraient pouvoir participer à la procédure de suivi des observations finales et des constatations, et notamment pouvoir intervenir lors des réunions du CAT où l’on discute de ce suivi. En ce qui concerne l’information fournie au sujet du processus de suivi, nous saluons les efforts déjà faits pour améliorer la transparence et la visibilité du processus de suivi des observations finales, notamment grâce à la création d’un site internet spécialisé. Nous pensons aussi qu’il faudrait s’efforcer d’améliorer l’information fournie au sujet du suivi des décisions/constatations. Nous recommandons la création d’une page internet particulière sur les plaintes individuelles où l’on pourrait publier des informations, y compris des renseignements généraux sur les cas en cause, les violations constatées, les recommandations émises pour y remédier et sur les autres mesures prises ou demandées, tels que présentées dans les rapports intérimaires et annuels du CAT.
En cas de non application des observations finales et constatations relatives aux communications individuelles
Le CAT devrait intensifier ses efforts dans les cas où les recommandations et les décisions individuelles en vertu des traités ne sont pas mises en œuvre. Nous souhaitons que le CAT envisage d’exécuter ses propres missions sur le terrain pour vérifier le suivi, particulièrement dans les cas où la mise en œuvre persiste à ne pas se faire. Nous recommandons également de développer des actions conjointes (lettre, réunions, missions) et une coordination accrue des divers organes de surveillance des traités des Nations Unies, concernant les Etats qui ont éprouvé des difficultés particulières à mettre en œuvre les recommandations et décisions. En général, nous estimons qu’il est très nécessaire de créer sous une forme ou sous une autre un organe spécifique pour coordonner le suivi dans le cadre des traités.
Etude sur les bonnes pratiques
Le CAT devrait analyser en permanence le fonctionnement des procédures de suivi, ce qui lui permettrait d’évaluer le degré de mise en œuvre de toutes les observations finales sur la base de critères objectifs. La création du groupe de travail de l’Inter Committee Meeting (ICM) sur le suivi représente à cet égard, pour les divers organes des traités, une occasion réelle d’échanger sur les bonnes pratiques et d’unir leurs efforts pour assurer la mise en œuvre effective des recommandations et décisions. Il serait très utile que les organes des traités élaborent des fiches par pays contenant l’évaluation de la mise en œuvre de toutes leurs recommandations. Une étude des bonnes pratiques pourrait aussi montrer comment les Etats peuvent améliorer la mise en œuvre des recommandations et décisions, notamment en impliquant dans ce processus les institutions et organes aux divers niveaux de l’Etat, ainsi que les acteurs de la société civile.
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