L’Institut du Caire pour les études des droits de l’Homme (ICEDH) s’inquiète vivement du recours à la force militaire qui continue d’être utilisée de manière inconsidérée contre la population civile de Gaza, d’Israël et de la Cisjordanie occupée et que les forces israéliennes exercent désormais surtout en représailles aux assauts déclenchés par le Hamas le 7 octobre. Plus de 900 citoyens israéliens et ressortissants étrangers, civils compris, ont péri et 1 500 personnes ont été blessées lors de ces attaques. À ce jour, plus de 770 Palestiniens, dont de nombreux civils, ont été tués à Gaza. Les attaques menées de manière aveugle contre des civils par les deux camps constituent des crimes de guerre en vertu du droit international.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit appeler à un cessez-le-feu immédiat et prendre les mesures nécessaires pour protéger la population civile afin d’éviter qu’elle ne subisse d’autres violences. La commission d’enquête internationale et indépendante des Nations Unies sur la situation en Israël, en Cisjordanie et à Gaza doit procéder à une enquête approfondie sur les violations du droit international en matière de droits humains et du droit international humanitaire commises par toutes les parties, ainsi que sur les causes profondes qui ont contribué à ce cortège de violences atroces. La Cour pénale internationale doit s’assurer que toutes les parties impliquées dans ces crimes au regard du droit international seront obligées de rendre des comptes. Israël doit cesser immédiatement toute action susceptible de compromettre la mission de ces deux institutions.
Il est en outre impossible d’ignorer que les tensions ont été exacerbées par les violences croissantes subies par le peuple palestinien de Cisjordanie et de Gaza depuis le début du siècle – qui ont causé la mort de milliers de civils palestiniens[1]–, associées à l’expansion des colonies israéliennes illégales, aux attaques de plus en plus nombreuses de colons israéliens contre des civils palestiniens et aux multiples menaces des hauts dirigeants israéliens d’annexer les territoires palestiniens et d’expulser la population palestinienne actuelle de Jérusalem et de Cisjordanie. Dans le même temps, il est impossible pour les Palestiniens et Palestiniennes de faire valoir les droits que les textes internationaux leur confèrent, y compris leur droit à l’autodétermination. Depuis des décennies, Israël enfreint le droit international en toute impunité, au mépris des résolutions des Nations Unies et souvent avec l’aide des gouvernements occidentaux.
Plusieurs autorités des Nations Unies chargées d’établir des rapports ont fait remarquer que, dans le cadre d’une politique de changement démographique, et dans le but d’augmenter le territoire et les ressources de la population juive-israélienne uniquement, les Palestiniens et les Palestiniennes, y compris les personnes réfugiées, ont été dépossédés, séparés de force, divisés et privés de leurs droits fondamentaux et inaliénables, reconnus dans le droit international et dans les résolutions des Nations Unies. Ces pratiques s’apparentent au crime d’apartheid tel qu’il est défini par le droit international.
À cet égard, les déclarations des États-Unis, de l’Union européenne et des principales puissances occidentales qui accordent un soutien indéfectible à Israël pour qu’il « se défende », alors même que les dirigeants israéliens parlent de « vengeance » et indiquent de façon très claire qu’ils lanceront des attaques indiscriminées contre Gaza en violation du droit international, sont inconsidérées et contre-productives. Ces déclarations biaisées ne feront qu’encourager la perception selon laquelle la communauté internationale ne protégera pas les droits du peuple palestinien.
La communauté internationale doit unir ses efforts et prendre conscience que la seule manière d’assurer la désescalade du climat de violence à Gaza, en Israël et en Cisjordanie –qui risque de se transformer en un conflit régional catastrophique et de plus grande envergure – est d’appliquer de manière égale et impartiale les protections offertes par le droit international, notamment en abolissant l’apartheid israélien.
Les événements du 7 octobre ont montré que les projets des dirigeants arabes autoritaires de normaliser les relations avec Israël, sans même tenir compte des droits du peuple palestinien, étaient illusoires. Contrairement à ses dirigeants, la population de la région arabe ne tolère pas la privation, l’humiliation, l’emprisonnement, les meurtres, l’occupation, le colonialisme et l’apartheid. La solution à deux États est depuis longtemps révolue et ce n’est que par pure forme que les gouvernements occidentaux lui accordent de l’intérêt afin de leur servir de prétexte pour négliger la question non résolue du déni des droits du peuple palestinien. L’Autorité palestinienne s’est muée en organe de sécurité de l’occupation et n’a aucune légitimité.
Cette escalade du conflit israélo-palestinien, la plus violente depuis plus de 50 ans, nécessite une approche nouvelle de la part des parties et de la communauté internationale. Pour toutes les parties, la priorité des actions à venir doit être donnée à la protection de la population civile en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.
Israël doit immédiatement mettre un terme aux bombardements indiscriminés que son armée exécute sur Gaza et lever le siège complet de cette zone, qui constitue un châtiment collectif et un crime de guerre incontestable. Israël doit abandonner cette doctrine de sécurité faillie qui consiste à réagir aux attaques de groupes palestiniens par une violence écrasante, sans aucun égard pour le droit international. Voilà plus de 50 ans que l’État israélien utilise cette approche ; il est temps que ses dirigeants admettent que les méthodes violentes ne font que créer un cercle vicieux de violence dans lequel la population civile souffre toujours le plus.
La communauté internationale doit œuvrer de concert et exiger qu’il soit mis un terme à l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est et que le régime d’apartheid pratiqué par Israël soit aboli.
Le peuple palestinien doit jouer un rôle à part entière dans le règlement juste du conflit. Pour y parvenir, il est nécessaire d’organiser des élections parlementaires et présidentielles libres et équitables en ce qui concerne l’Autorité palestinienne et de prévoir des garanties pour l’indépendance de la presse et des organisations de la société civile dans l’ensemble du territoire palestinien. La communauté internationale doit soutenir durablement ce processus déterminant, qui prendra de nombreux mois, voire plusieurs années.
Le droit du peuple palestinien de résister à l’occupation illégale et à l’apartheid doit être protégé. Ce droit ne consiste toutefois pas à mener des attaques indiscriminées contre la population civile israélienne, à procéder à des exécutions sommaires et à commettre des enlèvements et des prises d’otages, comme les combattants du Hamas l’ont fait ces derniers jours. Ces violations du droit international ne font que perpétuer le cycle infernal de la violence dans lequel un trop grand nombre de personnes ont déjà trouvé la mort.
[1] À titre d’exemple, du 1er janvier au 30 septembre 2023, l’armée et les colons israéliens ont tué 234 Palestiniens et Palestiniennes, dont 45 enfants, dans les territoires palestiniens occupés.
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