L’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme (CIHRS) dénonce les crimes commis à Paris la semaine dernière lors de l’attaque du journal satirique Charlie Hebdo et la prise d’otages dans une épicerie cacher qui ont fait douze et quatre morts. CIHRS présente ses sincères condoléances et sa solidarité avec les familles des victimes de ces actes terroristes et appelle les gouvernements arabes et la communauté internationale à élaborer une stratégie sur le long terme prenant en compte les facteurs qui renforcent les mouvements terroristes dans le monde arabe. Parmi ceux-ci, la répression systématique et institutionnalisée mise en place par les régimes autoritaires qui pousse nombre de jeunes – laïcs comme religieux – vers l’extrémisme politique. Il est également essentiel de prendre en considération l’influence de discours religieux extrémistes repris à la fois par les systèmes éducatifs et les institutions religieuses des pays arabes. La non-application des résolutions des Nations Unies sur la question palestinienne participe aussi au développement d’un environnement propice à l’émergence de mouvements extrémistes.
L’expansion virale du terrorisme à l’échelle internationale à laquelle nous assistons actuellement nous pousse à remettre en question les stratégies de lutte contre le terrorisme religieux mises en place ces dernières décennies.
Un acte terroriste sans précédent a été perpétré à Paris ce mercredi 7 janvier 2015, au cours duquel des hommes armés se sont attaqué au siège central du journal français « Charlie Hebdo » et ont fait 10 morts, policiers et journalistes, dont le rédacteur en chef et quatre dessinateurs vedettes du magazine. D’après l’enquête, cette attaque serait le fait d’extrémistes islamistes formés idéologiquement et militairement dans des pays arabes dans l’objectif de répondre aux caricatures publiées par le journal jugées blasphématoires à l’égard de l’Islam et de son prophète.
CIHRS dénonce cet acte criminel injustifiable; qui n’est autre qu’un attentat à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression et à la liberté de la presse en France et dans le monde. CIHRS réfute par ailleurs les tentatives de justification de ce massacre, en particulier de la part de certains médias égyptiens ayant soutenu que Charlie Hebdo méritait son sort pour avoir offensé les religions et le Prophète.
Il est important de rappeler que ces organes, qu’ils soient publics ou privés, soutiennent aveuglément les autorités en place et n’hésitent pas à attaquer les auteurs d’opinions qui s’érigent contre les violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité égyptiennes au nom de sa politique de lutte contre le terrorisme qui réprime toutes voix dissidentes, que celles-ci soient liées aux mouvements islamistes ou laïcs.
CIHRS incite la communauté internationale à appréhender cette attaque terroriste de façon globale et non comme un acte isolé, séparé d’un contexte historique ayant permis la naissance et le développement de mouvements terroristes se revendiquant de l’Islam politique. Les mouvances religieuses extrémistes ne prospèrent que dans un climat de répression, d’absence de démocratie et de confiscation d’une liberté d’expression légitime et exutoire de frustrations politiques, économiques et sociales. Ces mouvements émergent également dans des contextes où prédominent les discours religieux extrémistes relayés par les cours de religion gouvernementaux et les institutions religieuses officielles.
Ces politiques répressives de nombreux pays arabes demeurent et se renforcent grâce à la complaisance de puissances mondiales convaincues que ces régimes autoritaires peuvent lutter contre le terrorisme et amener de la stabilité à la région. L’histoire récente a pourtant démontré que les seuls fruits à espérer d’une telle démarche de renforcement des régimes autoritaires en place sont l’émergence d’une stabilité d’apparat sur le court terme et une expansion virale du terrorisme à l’échelle internationale.
Les 14 années de lutte contre le terrorisme qui ont fait suite aux attentats du 11 septembre ont montré qu’il n’était pas possible de lutter contre le terrorisme en l’absence d’un processus de réforme religieuse profonde et globale. Les décennies d’autoritarisme ont par ailleurs révélé que ce processus réformateur ne peut s’enclencher sans que soit engagée au préalable une réforme politique globale[1]. Force est de constater en effet que les discours religieux sont une source de légitimité majeure pour nombre de ces régimes.
[1] Voilà la conclusion sur laquelle s’acheva la réunion consultative organisée par l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme à Paris en 2003 dans le but de discuter des moyens pratiques de renouveler le discours religieux. Cette réunion rassembla une trentaine de participants, des défenseurs des droits de l’homme, des chercheurs et des intellectuels musulmans et laïcs et mena à la publication de “La Déclaration de Paris sur les moyens de renouveler le Discours Religieux”.
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