Il y a un an, le 24 février, la Russie envahissait l’Ukraine. À ce jour, les organisations membres de la FIDH en Ukraine, le Center for Civil Liberties (CCL) et le Kharkiv Human Rights Protection Group (KHPG), ont documenté près de 30 000 crimes présumés au regard du droit international. Ces chiffres masquent mal la douleur des proches et la mort de milliers de victimes aggravées par l’impunité du pouvoir russe. La FIDH et l’ensemble de ses organisations membres appellent les institutions internationales et les gouvernements à multiplier les efforts pour que justice soit faite en Ukraine, au nom de la paix et de la sécurité dans le monde.
Il y a un an le monde se réveillait sous le choc en apprenant l’invasion de grande ampleur de l’Ukraine par les forces armées russes. La tentative consistait manifestement à conquérir la capitale, Kyiv, et à renverser le gouvernement démocratiquement élu. La FIDH a fermement condamné l’agression russe, comme l’a fait la communauté internationale. La défense ukrainienne a résisté à cette offensive, mais les souffrances de la population ukrainienne ne faisaient que commencer. Depuis 12 mois, le CCL, le KHPG et d’autres ONG ukrainiennes membres de la coalition « un tribunal pour Poutine » ont documenté environ 30 000 cas de crimes présumés au regard du droit international. La plupart ont été commis par les forces armées russes dans les zones qu’elles occupaient et incluent :
- des exécutions sommaires,
- des actes de torture,
- des confinements illégaux,
- des mauvais traitements,
- des viols
- et d’autres violences sexuelles.
Des enquêtes nationales ont déjà été ouvertes en Ukraine et ailleurs dans le monde pour nombre de ces cas d’une violence sans nom. De même, plusieurs soldats russes sont actuellement traduits en justice pour violation de conventions et du droit de la guerre.
De nombreux mécanismes de responsabilité internationaux ont été mis sur pied pour enquêter et faciliter la poursuite d’éventuelles violations du droit humanitaire international. Parmi ceux-ci figurent la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies sur l’Ukraine, l’Initiative de surveillance de l’Ukraine de l’Organisation pour la sécurité et la coopération (OSCE), l’Équipe commune d’enquête d’Eurojust et les enquêtes menées par plus de dix autres unités nationales d’investigation sur les crimes de guerre et par des équipes internationales de justice mobile. La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête exhaustive sur la situation en Ukraine en mars 2022. La coopération efficace entre ces mécanismes et leur complémentarité, ainsi que leur engagement significatif auprès des victimes et de la société civile seront décisives. La CPI n’est pas compétente pour juger les crimes d’agression en lien avec la situation en Ukraine. En tant que juridiction de dernier ressort poursuivant les principaux responsables, elle enquêtera et engagera des poursuites seulement sur une poignée de dossiers, une fraction infime des violations déjà documentées. La vaste majorité des dossiers sera laissée à l’Ukraine et à d’autres juridictions nationales en vertu du principe de compétence universelle.
En outre, ces mécanismes ne suffiront pas à mettre fin à l’impunité du pouvoir russe pour les crimes commis par ses forces armées ou ses milices privées en Ukraine, mais également en Syrie, au Mali, en République centrafricaine, en Lybie et précédemment en Géorgie et en Tchétchénie. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, notamment un manque de volonté politique et l’incapacité de poursuivre des crimes d’une telle ampleur à l’échelle nationale et internationale.
Des conséquences internationales
L’invasion militaire russe de sa voisine ukrainienne n’a pas seulement accru l’insécurité régionale, elle a aussi perturbé l’approvisionnement mondial en nourriture, accéléré l’inflation et engendré de graves répercussions politiques, économiques et sociales qui vont perdurer sur tous les continents. La population ukrainienne a cherché refuge jusqu’en Amérique du Nord et en Amérique latine. Des pays comme le Liban, l’Égypte et l’Indonésie ont souffert de graves pénuries alimentaires causées par la raréfaction des livraisons de blé ukrainien. La mobilisation nationale dans les forces armées russes a provoqué un exode de la population russe vers des pays d’Asie centrale, la Géorgie et l’Arménie. Parallèlement, la milice privée Wagner a procédé à un recrutement musclé de volontaires au Kazakhstan, au Tadjikistan, en Serbie, en Zambie et en Côte d’Ivoire. Simultanément, les violations de droits humains commis par la milice Wagner en Syrie, en République centrafricaine, en Lybie, au Mozambique et au Mali restent impunies. Cette impunité encourage tacitement les méthodes brutales de la Russie, qui souhaite étendre son influence en Afrique. En soutenant ainsi des régimes fragiles ou autoritaires, la Russie obtient en contrepartie des permis d’exploitation pour piller leurs ressources naturelles. La Russie a également consolidé ses liens avec des gouvernements répressifs du Moyen-Orient et d’Asie en élargissant son commerce des armes à l’Iran et au Myanmar, en augmentant ses exportations de pétrole et en développant d’autres formes de coopération économique avec la Chine et le Laos. La Russie a ainsi atténué l’effet paralysant des sanctions prises à son encontre et noué une alliance avec des régimes autoritaires. Devant l’impunité totale de la Russie, ces régimes s’enhardissent et amplifient la répression sur le territoire national.
La FIDH et ses organisations membres affichent leur solidarité avec la population ukrainienne
La promotion d’une justice plus efficace en Ukraine et dans le reste du monde passe par la reconnaissance et le traitement plus ferme de la généralisation des violations russes : menace récurrente à la paix et à la sécurité dans le monde.
Solidaires avec la population ukrainienne, la FIDH et ses organisations membres :
- exhortent la Fédération de Russie à cesser immédiatement ses hostilités militaires contre l’Ukraine, et le Belarus à cesser de soutenir ces actions ;
- appellent à une coopération renforcée et à la complémentarité entre les mécanismes de responsabilité existants qui enquêtent sur les crimes commis en Ukraine au regard du droit international, et à un engagement plus significatif envers les victimes, les personnes rescapées et la société civile dans son ensemble ;
- soutiennent l’appel à de nouvelles délibérations visant à mettre en place d’autres mécanismes de responsabilité enquêtant sur les crimes commis en Ukraine au regard du droit international, comme un tribunal hybride délibérant sur le crime d’agression et d’autres crimes commis en Ukraine au regard du droit international ;
- appellent à la condamnation sans répit de toutes les violations du droit international commises en Ukraine par toutes les parties ;
- appellent à la condamnation sans répit et à la mise en place de mécanismes de responsabilité efficaces sur les violations du droit international commises par le pouvoir russe dans d’autres situations où les agents russes commettent des actes de violence interdits, notamment en Syrie, au Mali et en République centrafricaine, soulignant ainsi les liens entre dérive autoritaire et violations extraterritoriales ;
- appellent l’Ukraine et d’autres États non parties à ratifier le Statut de Rome et à appliquer une législation permettant d’enquêter sur leur sol sur des crimes relevant du droit international et d’y mener les poursuites afférentes ; et
- appellent les autorités russes à cesser leur propagande et leur répugnante campagne de désinformation historique pour justifier son agression de l’Ukraine au titre d’une campagne de dénazification, et appellent la communauté internationale à déployer davantage d’efforts pour les endiguer.
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