Du 22 au 26 mai, le conseil d’administration et d’autres membres clés de la direction de la Banque africaine de développement (BAD) se réuniront pour la 58e assemblée annuelle à Sharm El Sheikh (Égypte). Une fois de plus, la société civile et les communautés directement touchées par les activités financées par la BAD n’auront pas la possibilité d’y participer.
La BAD, malgré sa mission de stimuler le développement durable et d’aider les plus marginalisés sur le continent africain, reste une institution où les processus de décision ont tendance à se dérouler à huis clos et selon une approche descendante.
Au cours des assemblées annuelles, les administrateurs de la Banque parleront entre eux et avec certaines parties prenantes d’autres institutions et du secteur privé. Ceux qui devraient être les premiers bénéficiaires des projets de la BAD – et qui sont les plus directement touchés – n’auront pas de place à la table. Les membres des communautés et les activistes de la société civile n’auront pas la possibilité de s’exprimer, de faire part de leurs besoins et de soulever leurs préoccupations concernant les impacts négatifs de certaines activités de la Banque.
Alors que le système de sauvegarde intégré (SSI) de la BAD, récemment mis à jour, comprend un engagement à ne pas tolérer les représailles, le fait que la Banque ait décidé de tenir ses assemblées annuelles en Égypte envoie un message contradictoire et inquiétant. L’Égypte est actuellement tristement célèbre pour son espace civique fermé. Des milliers de personnes – y compris des défenseurs des droits humains et des journalistes – sont toujours détenues arbitrairement, simplement pour avoir défendu pacifiquement les droits humains ou dit la vérité au pouvoir. En raison de la répression exercée par le régime contre toute voix critique, les citoyens s’autocensurent par peur des représailles. Les militants étrangers sont également une cible : tout récemment, le régime égyptien a refusé l’entrée, sans fournir de raison, à un militant italien des droits humains qui disposait d’un visa et d’une accréditation valides pour participer à la COP27.
Les assemblées annuelles peuvent être une plateforme cruciale de plaidoyer et de lobbying pour les organisations de la société civile. Comme d’autres banques de développement, la BAD devrait réintégrer le Forum de la société civile dans le programme des assemblées annuelles. Elle devrait également réformer sa conception, afin de rendre le forum plus inclusif, accessible, transparent et ouvert à un éventail diversifié de groupes de la société civile, sans limiter le nombre et les types de sujets abordés dans l’ordre du jour.
Malheureusement, le manque d’opportunités de participation lors des assemblées annuelles n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les organisations de la société civile plaident depuis longtemps auprès de la BAD pour qu’elle ouvre des espaces de participation.
Les groupes de la société civile ont également exprimé à plusieurs reprises leurs préoccupations quant aux lacunes des processus d’examen des politiques, qui tendent à manquer de transparence et offrent des possibilités limitées de participation de la société civile, et quant à la mise en œuvre effective des mesures de sauvegarde de la Banque.
Par exemple, l’inclusion du sujet des représailles dans le nouveau SSI – où la banque s’engage à s’assurer que les gens peuvent s’exprimer en toute sécurité dans le contexte de ses projets – est une étape bienvenue et attendue depuis longtemps. Mais cela restera lettre morte si la BAD ne prend pas des mesures concrètes pour changer les processus, les incitations et la culture afin d’adopter une approche basée sur les droits humains, de prévenir les représailles avant qu’il ne soit trop tard, et de réagir rapidement lorsque des cas de représailles sont soulevés.
Au moment où nous écrivons cette lettre, des dizaines de défenseurs des droits humains sont menacés et attaqués simplement pour avoir dénoncé les effets négatifs des projets financés par la BAD et défendu pacifiquement les droits de leurs communautés. Leurs voix sont cruciales : la Banque devrait s’assurer qu’elles ne sont pas réduites au silence.
Cette semaine, alors que la BAD tient ses assemblées annuelles, elle doit garder les communautés africaines au premier plan. Le développement durable est impossible sans les voix de ceux qui sont les plus touchés par le développement. La BAD doit être une institution au service des peuples africains et non des gouvernements africains.
Les signataires demandent à la BAD de prendre les mesures suivantes :
- Garantir des processus participatifs significatifs dans les politiques, les programmes et les projets, notamment par le biais de consultations et d’engagements tenant compte des représailles;
- Ouvrir des espaces à la société civile et à l’engagement communautaire, y compris lors des assemblées annuelles, et examiner les implications de la tenue d’événements de la BAD dans des contextes où la société civile ne peut pas opérer librement ;
- S’engager auprès des clients pour souligner l’importance d’une société civile indépendante et d’un espace civique ouvert pour parvenir à un développement durable et inclusif ;
- Donner la priorité au développement mené par les communautés et aux approches fondées sur les droits humains;
- Relever la barre de l’accès à l’information, de la transparence et de la responsabilité ;
- Prendre des mesures pour évaluer les risques de représailles, prévenir les représailles et y répondre de manière adéquate lorsqu’elles se produisent.
Signatories:
- AbibiNsroma Foundation – Ghana
- Accountability Lab Liberia – Liberia
- Action For The Protection Of Endangered Species (ACES) – Cameroon
- African Law Foundation (AFRILAW) – Nigeria
- Appui aux Initiatives Communautaires de Conservation de l’Environnement et de Développement Durable (AICED) – Democratic Republic of Congo
- Association Burkinabè pour la Survie de l’Enfance (ABSE) – Burkina Faso
- Bank Information Center (BIC) – United States
- Both ENDS – The Netherlands
- Buliisa Initiative for Rural Development Organization (BIRUDO ) – Uganda
- Centre de Défense des Droits de l’Homme et Démocratie (CDHD) – Democratic Republic of Congo
- Coalition des OSC sur la transparence à la BAD – Mali (for Africa secretariat)
- Committee for Peace and Development Advocacy – Liberia
- COMPPART Foundation for Justice and Peacebuilding – Nigeria
- Foundation For Environmental Rights,Advocacy & Development (FENRAD) – Nigeria
- Gouvernement des Amis de Yadio et Assangbadji (ONG GAYA) – Côte d’Ivoire
- Green Advocates International – Liberia
- Green Development Advocates (GDA) – Cameroon
- Health Promotion and Development Organisation (HePDO) – Gambia
- Human Rights Movement « Bir Duino-Kyrgyzstan – Kyrgyzstan
- IBON Africa – Kenya
- IFI Sinergy Group – Cameroon
- International Accountability Project (IAP) – Global
- Jamaa Resource Initiatives – Kenya
- Le Monde Des Enfants – Guinea
- Lumière Synergie pour le Développement (LSD) – Senegal
- Network Movement for Justice and Development – Sierra Leone
- Nnamdi Azikiwe University (NAU) – Nigeria
- Observatoire d’Etudes et d’Appui à la Responsabilité Sociale et Environnementale (OEARSE) – Democratic Republic of the Congo
- Oil Workers’ Rights Protection Organization Public Union – Azerbaijan
- ONG Coeur d’or d’Afrique – Côte d’Ivoire
- ONG Environnement et Comportements Sains en Côte d’Ivoire (ECOSCI) – Côte d’Ivoire
- ONG-OPV (Ordre pour la Paix et la Vie) – Côte d’Ivoire
- Pain aux Indigents et Appui à l’auto Promotion (PIAP) – Democratic Republic of the Congo
- Peace Point Development Foundation (PPDF) – Nigeria
- Public Interest Law Center (PILC) – Chad
- Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME) – Burkina Faso
- Réseau des Organisations de la Société Civile pour le Développement du Tonkpi (ROSCIDET)pour le Développement – Côte d’Ivoire
- Sightsavers – Ghana
- SOS Jeunesse et Défis – Burkina Faso
- Sustainable Holistic Development Foundation (SUHODE) – Tanzania
- Uganda Consortium on Corporate Accountability (UCCA) – Uganda
- United Youth for Peace Education Transparency and Development in Liberia – Liberia
- Witness Radio – Uganda
- Women with Disability Self Reliance Foundation – Nigeria
- Women’s Health Development (FESADE) – Cameroon
- Youth for Promotion of Development – Cameroon
- Youth Transforming Africa Narrative (YOTAN) – Liberia
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