À : Tous les États membres des Nations Unies
Copie :
Présidente du Conseil des droits de l’homme
Secrétaire général de l’ONU
Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
Objet : L’examen de l’Assemblée générale sur la question du statut du Conseil des droits de l’homme
Excellences,
Le 17 juin 2011, l’Assemblée générale a adopté une résolution qui a décidé « de maintenir le statut d’organe subsidiaire de l’Assemblée générale conféré au Conseil des droits de l’homme et de réexaminer, à un moment opportun, la question de savoir s’il convient de conserver ce statut dans au moins dix ans et pas plus de quinze ans ».
Nos organisations souhaitent exprimer leur position sur l’examen attendu de cette question par l’Assemblée générale entre 2021 et 2026.
Tout en reconnaissant les difficultés politiques d’un amendement à la charte des Nations Unies, l’élévation du Conseil des droits de l’homme (le Conseil) au rang d’organe principal de l’ONU pourrait avoir un effet positif, tel que le renforcement de la contribution du Conseil à l’amélioration de la situation des droits humains sur le terrain, et un degré de priorité plus élevé pour le financement des droits humains.
Dans le même temps, nous tenons à souligner que les lacunes les plus importantes dans les travaux du Conseil pour promouvoir et protéger les droits humains dans le monde ne sont pas dues à des lacunes dans son mandat, mais plutôt à un manque de volonté politique de la part des États sur des questions clés telles que les listes non compétitives lors des élections des membres du Conseil, l’examen spécifique des droits humains dans des pays dont la situation est préoccupante et une coopération totale de bonne foi avec le Conseil et ses mécanismes.
En outre, nous tenons à souligner que, conformément à la résolution 65/281 de l’Assemblée générale, la portée de l’examen de l’Assemblée générale devrait se concentrer uniquement sur la question du statut du Conseil et ne pas être élargie à ses activités et son fonctionnement.
Nous estimons qu’un « examen » plus approfondi des activités et du fonctionnement du Conseil comporte de graves risques pour l’impact, l’accessibilité et l’efficacité du Conseil et constituerait une charge importante pesant sur les ressources des délégations des petits États et de la société civile. Ces processus sont particulièrement difficiles à gérer pour les organisations de la société civile, en particulier pour celles qui ne sont pas basées à Genève, qui doivent toujours déployer des efforts considérables pour tout simplement pouvoir participer. Dans le même temps, nous considérons à ce stade que beaucoup plus peut être fait pour protéger et promouvoir les droits humains dans le monde sans modifier le mandat du Conseil des droits de l’homme.
Des processus d’examen et de réforme plus formels, y compris le processus de renforcement institutionnel et l’examen quinquennal des activités et du fonctionnement du Conseil des droits de l’homme, ont abouti à des résultats limités, voire inexistants, faute de consensus sur des réformes significatives. Nombre des améliorations apportées aux méthodes de travail du Conseil à ce jour résultent d’un renforcement progressif et pratique.[1] Aucune des propositions récentes de plusieurs organisations de la société civile visant à renforcer l’impact du Conseil n’exigerait une réforme institutionnelle, mais elle pourrait être réalisée avec une volonté politique suffisante de chaque État et de la société civile dans le cadre institutionnel actuel.
Un examen plus approfondi des activités et du fonctionnement du Conseil, allant au-delà de la portée limitée prévue par l’Assemblée générale, entraînerait des risques importants. Ces risques comprennent les anciennes tentatives de limiter la participation de la société civile et d’affaiblir le fonctionnement du Conseil, en particulier en ce qui concerne son mandat de protection. Nous sommes particulièrement préoccupés par la possibilité de réexaminer les tentatives visant à réduire la capacité du Conseil de traiter les situations nationales et l’indépendance des mandats des procédures spéciales.[2]
Il existe donc des craintes valables qu’un soi-disant « examen » des activités et du fonctionnement du Conseil aboutisse à un Conseil des droits de l’homme moins efficace, moins accessible et moins réactif. En conséquence, les États déterminés à faire en sorte que le Conseil soit plus accessible, plus efficace et plus réactif devraient donner la priorité à la prise des mesures suivantes plutôt qu’à un soi-disant « examen » des activités et du fonctionnement du Conseil :
- Répondre aux situations relatives aux droits humains en fonction de leurs mérites, en appliquant des critères objectifs et fondés sur les droits humains pour déterminer si, et comment le Conseil doit réagir à une situation préoccupante, et prendre la responsabilité d’agir pour prévenir et répondre aux violations lorsque ces critères sont remplis ;
- Encourager des élections compétitives pour tous les groupes régionaux lors des élections des membres du Conseil et s’abstenir de toute collaboration au sein des groupes régionaux pour organiser des listes non compétitives ;
- S’engager à voter uniquement pour les États candidats qui remplissent les critères d’adhésion tels qu’énoncés dans la résolution 60/251 de l’Assemblée générale. Cela comprend l’engagement de s’abstenir de voter pour tout État accusé de manière crédible d’avoir commis des violations flagrantes et systématiques des droits humains, ou d’avoir refusé de manière flagrante de coopérer avec le Conseil et ses mécanismes, y compris en commettant des actes de représailles ;
- Faire plus pour obliger les États membres du Conseil à respecter leurs obligations et engagements en matière de droits humains, y compris en ce qui concerne les engagements qu’ils ont choisi de présenter à l’appui de leur candidature
- S’engager fermement pour prévenir et combattre les actes d’intimidation et de représailles en soulevant des cas particuliers de représailles dans les débats du Conseil, en veillant à ce que la présidence et le Bureau du CDH traitent et suivent systématiquement les cas de représailles liés à l’engagement du CDH, et en garantissant une participation large et significative de la société civile au Conseil, y compris par le biais de déclarations par vidéo.
Enfin, nous reconnaissons l’utilité pour l’Assemblée générale de recevoir des conseils d’experts alors qu’elle procède à l’examen de la question importante du statut du Conseil. Dans ce contexte, nous estimons qu’un rapport d’expert pourrait utilement éclairer les débats et que le Haut-Commissaire et le Secrétaire général devraient être invités à rédiger un tel rapport, avec la contribution des États, de la société civile, des institutions nationales des droits de l’homme et les autres parties prenantes concernées. Le rapport pourrait traiter de la manière dont le Conseil s’est acquitté de son mandat, identifier les bonnes pratiques et les défis et présenter des recommandations sur la manière de renforcer son impact pour l’amélioration de la situation des droits humains sur le terrain. Cela permettrait à l’Assemblée générale d’avoir les éléments
complets et fondés sur des données factuelles dont elle a besoin pour prendre une décision, tout en garantissant son efficacité et en évitant que le temps et les ressources du Conseil ne soient trop détournés de l’exécution de son mandat de base.
Soutenu par:
- African Centre for Democracy and Human Rights Studies
- Amnesty International
- Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
- Asian Legal Resource Centre
- Association for Progressive Communications – APC
- Cairo Institute for Human Rights Studies
- Centre International de Conseil, de Recherche et d’Expertise en Droits de l’Homme (CICREDHO)
- Centro de Estudios Legales y Sociales – CELS
- Child Rights Connect
- CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation
- DefendDefenders (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)
- FIDH- International Federation of Human Rights
- Human Rights House Foundation
- Human Rights Watch
- ILGA World
- Institute on Statelessness and Inclusion
- International Catholic Child Bureau
- International Commission of Jurists
- International Service for Human Rights (ISHR)
- MENA Rights Group
- Together (Scottish Alliance for Children’s Rights)
- Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF)
[1] Par exemple, le recours à des séminaires intersessions, des évènements parallèles, des séances d’information informelles du Haut-Commissaire, des rapports conjoints des procédures spéciales, ainsi que des efforts de la société civile tels que les pré-sessions de l’EPU.
[2] Étant donné les efforts passés de certains États pendant la phase de renforcement institutionnel et l’examen de 2011 pour supprimer les mandats par pays ou imposer des majorités qualifiées pour en créer de nouveaux, et le risque élevé d’imposer des mesures visant à restreindre la participation de la société civile qui, malheureusement, ont été caractéristiques des précédents processus de réforme institutionnelle.
Share this Post